L’avarice (al-bukhl)(10)

4-Ses origines (1)

Voici l’étude d’une autre maladie du cœur liée à l’amour (blâmable) pour les biens/argent : l’avarice (al-bukhl). Après avoir vu sa définition, ses marques/signes et ses effets, nous allons voir maintenant ses origines.

Selon l’imam al-Khomeynî(qs), ce qui donne à l’avarice cette particularité de devenir une aptitude (malakat) dans l’âme, provient essentiellement de deux choses :

1)de la force des instincts/passions et

2)du voilement de la fitra (la nature fondamentale de l’être humain).

1)La force des instincts/passions

A noter, dans les propos rapportés et dans les livres de morale, que l’avarice est rattachée aux instincts/passions (ash-shahwat) ou aux instincts/dispositions (al-gharîzat).

« Des ramifications de la force des instincts/passions (ash-shahwat), la voracité (ash-sharah), l’avidité (al-hirs), la convoitise (at-tama‘), l’avarice (al-bukhl) et leurs équivalents. »

Junûd al-‘aql wa-l-jahlde l’imam al-Khomeynî(qs) (in Darûrat islâh an-nafs) p89

« Sache, ô ‘Alî, que la lâcheté, l’avarice et l’avidité reviennent à un seul instinct/disposition (gharîzat).. » dit le Messager de Dieu(s)(1) et le Prince des croyants(p) : « L’avarice, la lâcheté, et l’avidité sont divers instincts/dispositions (gharâ’iz) et les regroupe la mauvaise opinion de Dieu »(2).

Certes, les biens/argent sont un moyen pour arriver à satisfaire les besoins élémentaires durant/pour la vie en ce monde et à sauvegarder leur utilité, comme le dit sayyed Tabâtabâ’î(qs) dans son Tafsîr à propos du verset : {Et les âmes sont exposées à l’avarice avide}(128/4 an-Nisâ’)(3).

Et il(qs) rapporte du Tafsîr d’al-Qummî, de l’Imam as-Sâdeq(p) : « L’avarice avide (ash-shuhh) est exposée aux âmes, certaines la choisissent, d’autres pas. »(4)

Mais ce qui est blâmable, c’est l’attachement excessif à eux, au point de les garder pour soi, même sans en avoir besoin, en oubliant leur origine, en refusant de les diffuser aux autres, de les donner aux pauvres, même au point même de ne pas les utiliser pour soi-même !

« Dieu (qu’Il soit Glorifié) dit dans Son noble Livre :

{Dis : Même si c’était vous qui possédiez les trésors de la Miséricorde de mon Seigneur, vous lésineriez(la-amsaktum), certes, de peur de les dépenser. Et l'être humain est lésineur (qatûrann).} (100/ 17 al-Isrâ’)(5)

Dans ce verset, Dieu (qu’Il soit Exalté) s’adresse à Son Messager(s) [à propos des gens de Quraysh qui contestent sa Prophétie et son Message divin. Il (qu’Il soit Exalté) lui décrit ces gens injustes qui resteront inévitablement incroyants malgré tous les Signes qui leur ont été envoyés. Et avant que ne lui(s) soit donné en exemple le Prophète Moussa(p) et Pharaon (qui resta incroyant malgré les 9 Signes donnés au Prophète Moussa(p)) vient ce verset.]

A la fin de ce verset, est cité le mot (al-insân), l’homme, l’être humain, coupé de Dieu, de façon générale, qui n’a pas cherché à éduquer son âme, à la façonner moralement, même ! qui est (qatûrann), [c’est-à-dire qui est très limité, lésineur, qui se restreint, lésine], qui a suivi la ligne de l’avarice, de la rétention (garder pour soi, sans dépenser) et de la lésine ou lésinerie (se montrer avare).

Alors que l’être humain qui agit selon les enseignements et l’éducation des Proches-Elus (de Dieu) peut ainsi sauvegarder saine sa fitra (sa nature fondamentale). Il n’est pas alors avare, parcimonieux ou lésineur.

On peut ainsi déduire de ce verset que l’avarice n’est pas toujours liée aux besoins personnels ou sociaux de l’être humain. Même ! ce vice moral peut s’ancrer dans l’existence de l’être humain même si lui sont donnés les Trésors [illimités] de Dieu (qu’Il soit Exalté), il sera tout de même avare de donner, alors qu’il n’en a pas vraiment besoin.

Cette tournure ou expression sous forme d’affirmation absolue {Et l'être humain est lésineur(qatûrann)}(100/ 17 al-Isrâ’) existe dans d’autres versets comme : {L'être humain est certes très ingrat(la-kanûdunn) envers son Seigneur}(6/ 100 al-‘Adiyât), {L'être humain est certes très ingrat(la-kafûrunn)}(66/ 22 al-Hajj), {L'être humain est certes très injuste(la-zhalûmunn) très ingrat (la-kaffârunn)}(34/ 14 Ibrâhîm).

Toutes ces tournures ou expressions indiquent que cet être humain décrit par ces défauts est celui qui est privé de sa fitra (sa nature fondamentale) saine, qui s’est éloigné des enseignements et de l’éducation des Prophètes et des Proches-Elus de Dieu. Car l’être humain (tout être humain) n’est pas créé en soi incroyant, impur, avare, injuste. Au contraire ! L’organisation de la création implique que l’être humain soit, en sa nature fondamentale, pur en soi. »

Al-Akhlâq fî-l-Qurân de sh. Makârem ash-Shîrâzî, vol.2 pp353-354

Et nous aurons ainsi introduit le second point.

2)Le voilement de la fitra

L’autre origine citée par l’imam al-Khomeynî(qs) à propos de l’avarice est le voilement de la fitra.

L’imam al-Khomeynî(qs) cite, au début de son livre Junûd al-‘aql wa-l-jahl, un propos de l’Imam as-Sâdeq(p) qui énumère les soldats de la raison et leur contraire, ceux de l’ignorance. Le dernier soldat de la raison évoqué est la générosité (as-sakhâ’) et son contraire – c’est-à-dire le soldat de l’ignorance – l’avarice (al-bukhl).(6)

Puis en tant que l’avidité provient, est un lègue de la force de l’instinct/passions, son origine relève également du voilement de la fitra. (« Il n’est pas dissimulé que l’avidité (et ses corollaires) provient du voilement de la fitra. Il est des soldats de l’ignorance et d’Iblis. »(7)).

« Quand les instincts/passions se renforcent et dominent l’âme, l’attachement de l’être humain aux plaisirs de ce monde augmente (même s’ils sont vils et méprisables) et augmente en lui son avidité d’eux. Son engouement augmente et il s’y accroche encore plus. Ces choses apparaissent comme des parties fondamentales dans son âme. Alors, quand il lui est demandé de donner, c’est comme si on lui arrachait sa peau, sa chair et peut-être même ses os.

Quand sa fitra se voile, il ne voit pas la perfection véritable ou son apparence réelle et le monde se rétrécit à ses yeux. Il le voit petit, très limité et il voit sa situation dans une misère perpétuelle, quel que soit ce qu’il possède ou ce qu’il a acquis ou conservé. (…)

Quand tu t’assois avec l’avare, tu le vois toujours se plaindre du peu de ressources et de bienfaits. Et cela provient du voilement de la fitra, fitra selon laquelle Dieu l’a créé pour qu’il connaisse les perfections infinies et la Beauté absolue dans le monde de l’existence. »

Al-Akhlâq al-madhmûmat ‘alâ daw’ fikr al-imâm al-Khomeynî(qs) pp530-531

(1)‘Ilal  ash-Sharâ’i‘, p559 H1 cité par Mîzân al-hikmat, au mot (al-hirs), vol.2 p320.

(2)Nahj al-Balâgha, Risâlat à Malek al-Ashtar No53 p596.

(3)128/4 an-Nisâ’   وَأُحْضِرَتِ الأَنفُسُ الشُّحَّ

(4)Tafsîr al-Mîzân de sayyed TabâTabâ’î^(qs), vol.5 p88 et p92.

(5)100/ 17 al-Isrâ’    قُل لَّوْ أَنتُمْ تَمْلِكُونَ خَزَآئِنَ رَحْمَةِ رَبِّي إِذًا لَّأَمْسَكْتُمْ خَشْيَةَ الإِنفَاقِ وَكَانَ الإنسَانُ قَتُورًا

Voir l’explication des mots dans L.S. No120. Voici celle donnée dans at-Tahqîq : (qatûr) : avare, très limité, lésineur, qui se restreint et (amsaka) (la 4^e f. dérivée du verbe (masaka)) : mettre la main sur quelque chose et le retenir.

(6)Junûd al-‘aql wa-l-jahl de l’imam al-Khomeynî^(qs) p30 et le propos de l’Imam as-Sâdeq^(p), Usûl al-Kâfî, vol.1 Kitâb al-‘aql wa-l-jahl, al-Bâb 1 p66 H14.

(7)Junûd al-‘aql wa-l-jahl de l’imam al-Khomeynî^(qs) p211.

www.lumieres-spirituelles.net     No131 – Jumâdî I & II 1446 – Novembre-Décembre 2024